Ça naît un beau soir sur la Butte,
Ça vient, on ne sait trop comment,
Et, puis d'cabriole en culbute,
Ça tomb' dans les bras d'un amant :
Un joyeux enfant d'Montmertre
Pour deux ronds d'frit's, un beau jour
L'initie aux chos's de l'amour
Plac' du Tertre !
Comme on n'peut pas vivr' sans galette,
Un jour qu'on n'a rien à briffer
On s'en va vendr' des violettes
A la terrass' des grands cafés.
La frimousse est plutôt pas mal
Et tente le pinceau d'un rapin,
Alors on pose les "Diane au bain "
Plac' Pigalle !
La peintur' c'est beau, mais c'est triste
Car ça manqu' un peu d'essentiel ;
Faut pas compter sur un artiste
Pour se meubler chez Dufayel.
On a d'la poitrine et des hanches,
On sait qu'on est bien roulé, qu'on plaît,
Et, sur l'coup d'minuit, l'on fait
La plac' Blanche !
Puis, pour un nom à particule
On chang' le sien trop roturier,
On a des couronn's majuscules
Sur son bicéphale a laurier
On s'appell' Gisèle de Brantôme,
Ou Sophie de Pont-à-Mousson,
Et l'on arbor' son écusson
Plac' Vendôme !
Mais ça dure le temps d'un caprice,
Paris, inconstant, s'est lassé
Passant à d'autres exercices,
Délaissant son joujou brisé.
On d'vient la fée en maillot jaune
Qu'admir'nt, sur les tréteaux forains,
Les artilleurs du fort voisin,
Plac' du Trône !
Puis c'est la débauche et la boue,
L'amour ah ! quel métier d'enfer,
Et le dernier acte se joue
La nuit, sur un trottoir désert,
Dans les fumées glacées de l'aube,
Comme ramasse un chien crevé,
On la r'trouvée sur le pavé
D'la plac' Maube !