Quand j' vois du monde, ça m'interdit
On pleure, j' pleure ; on rit, j' suis en joie
J' comprends jamais très bien c' qu'on m' dit
Je suis candide comme une oie
Ma bêtise m'est venue en naissant
Et j'ai beau fouiller dans ma tête
J'y trouve rien d'intéressant
J' suis bête
Ma bêtise plaît aux viveurs
Je suis malgré moi folichonne
J' leur accorde à tous mes faveurs
Je n' sais rien refuser à personne
Moi, quand on m' demande un baiser
Je m' dis "C'est dans un but honnête"
J' crois toujours qu'on va m'épouser
J' suis bête
Et j'aurais tant voulu m' marier
Papa voulait que j' reste sage
Tenez, l'autre jour, un couturier
Est venu pour me faire un corsage
Je m' déshabille, j'en eus du regret
Ce monsieur voulait ma conquête
Je n' m'en suis aperçue qu'après
J' suis bête
Le médecin qui vient de m' traiter
Y s' collait à moi comme un lierre
J' trouvais qu' sa façon d' m'ausculter
Etait troublante et familière
"C'est votre guérison qu' j'entreprends"
Me disait-il. "Votre mal, j' l'arrête"
J' lui donnais toutes les fois vingt francs
J' suis bête
Quand j' raconte mon histoire, on s' tord
J'ai beau jurer, je n' suis pas crue
Pis à la longue, ça m' fait du tort
On finit par me croire une grue.
Toujours une femme se rabaissa
En avouant qu'elle est toujours prête
Et pis, moi, j' viens vous chanter ça
J' suis bête