I
Quand Jean Renaud, de guerre revient
Tient ses entrailles dans sa main.
Sa mère était sur les créneaux
Qui vit venir son fils Renaud.
II
" - Mon fils Renaud, réjouis toi,
Ta femme a mis au monde un roi."
" - Ni de ma femme, ni de mon fils
Je ne saurais me réjouir."
III
" - Faites moi vite un beau lit blanc
Je n'y dormirai pas longtemps !"
Et quand ce vint sur les minuits
Le Roi Renaud rendit l'esprit.
IV
" - Ah! dites moi, mère, m'amie,
Que pleurent nos valets ici ? "
" - Ma fille en baignant les chevaux,
Ont laissé noyer les plus beaux."
V
" - Ah! dites moi, mère, m'amie,
Pourquoi j'entends cogner ici ?"
" - Ma fille ce sont les charpentiers
Qui raccommodent les greniers."
VI
" - Ah! dites moi, mère, m'amie,
Que chantent les prêtres ici ?"
" - Ma fille c'est la procession
Qui fait le tour de la maison."
VII
" - Ah! dites moi, mère, m'amie,
Quel habit prendrais-je aujourd'hui ?"
" - Prenez le vert, prenez le gris,
Prenez le noir, pour mieux choisir."
VIII
" - Ah! dites moi, mère, m'amie,
Ce que ce noir là signifie ?"
" - La femme qui relève d'enfant
Le noir lui est bien plus séant."
IX
" - Ah! dites moi, mère, m'amie,
Irais-je à la messe aujourd'hui ?"
" - Ma fille, attendez à demain,
Et vous irez pour le certain."
X
Mais quand ce fut parmi les champs
Trois pastoureaux allaient disant:
" - Voici la femme du seignour
Que l'on enterra l'autre jour."
XI
" - Ah! dites moi, mère, m'amie,
Que disent ces pastoureaux-ci ?"
" - Ils disent d'avancer le pas,
Ou que la messe n'aurons pas."
XII
Quand à l'église fut arrivée
Le cierge on lui a présenté,
Elle s'aperçut, s'agenouillant
La terre fraîche sous la banc.
XIII
" - Ah! dites moi, mère, m'amie,
Pourquoi la terre est fraîche ici ?"
" - Ma fille ne peux vous le celer
Renaud est mort et enterré."