On l'appelait Titi
C'était son seul nom
Il rôdait tout l'temps
Près des Halles
S'balladant pieds nus
Couvert de haillons
Car c'était un enfant d'la balle
Malingre et chétif
D'aspect souffreteux
Pourtant sans rancoeur et sans haine
Dans toutes les saisons
Avec d'autres gueux
Il dormait sous les ponts de la Seine
L'hiver lorsque grondait le vent
Le gosse murmurait bien souvent
Je n'sais pas si il y a un bon Dieu
Qui me voit du haut du ciel bleu
Mais quand y r'garde sur la terre
Pour sûr qu'il n'voit pas ma misère
S'il savait comme j'ai faim et froid
Sûrement il serait gentil pour moi
Mais y't'voit pas, t'est bien trop p"tit
Mon pauv' Titi
Par un soir neigeux
Poussé par la faim
Le gosse pourtant pas malhonnête
Dans un' boulangerie
Prit un morceau d'pain
Qu'il dévora tout en cachette
Mais on l'avait vu, et sans compassion
Sans pitié pour son doux jeune âge
On le mit dans une maison d'correction
Captif comme un oiseau en cage
Il n'avait plus ni faim ni froid
Mais il soupirait bien des fois
Je n'sais pas s'il y'a un bon Dieu
Qui me voit du haut du ciel bleu
S'il peut me voir alors je pense
Qu'il doit comprendre ma souffrance
Avant j'étais pas très heureux
Mais j'étais libre et ça vaut mieux
Quand r'verras tu l'pavé d'Paris
Mon pauv' Titi
Privé de soleil et d'son vieux faubourg
S'étiolant comme un fleur dans l'ombre
Le gosse ne pensait depuis l'premier jour
Qu'à fuir la prison triste et sombre
Alors de sa f'nêtre, un soir il sauta
Mais il vint 'écraser par terre
Et presque mourrant
Quand on l'emporta
C'en était fini d'ses misères
Ouvrant un dernière fois les yeux
Il dit en regardant les cieux
Je n'sais pas s'il y a un bon Dieu
Qui me voit du haut du ciel bleu
Mais près des anges s'il m'appelle
Peut-être que la vie sera belle
Lui fermant à jamais les yeux
Il dit dans un dernier adieu
Tu n'verras plus ton vieux Paris
Mon pauv' Titi